
Photo à la une : La mine de coltan de Birambo, dans la province du Nord-Kivu (Source Caroline Thirion)
Les premiers matériaux pour les premiers outils
Pendant une très longue partie de son histoire, l’humanité a utilisé, pour les divers outils de sa vie quotidienne (armes de chasse, lances, pointes de flèches, haches, couteaux, racloirs, etc.), des matériaux naturels d’origine minérale (voire organique tel que l’os) choisis pour leur dureté ainsi que pour la possibilité d’avoir des parties tranchantes. Le plus souvent du silex, des quartzites, de l’obsidienne ou éventuellement d’autres roches dures dont la taille était un véritable art : la préhistoire a livré de magnifiques outils quant à la précision et à la beauté de leur réalisation. L’approvisionnement se faisait à partir de gisements locaux ou plus lointains sans doute au gré d’échanges qui se sont beaucoup développés au néolithique (environ 6000 à 2200 ans avant notre ère).
Les premiers métaux, les débuts de la métallurgie
Les circonstances de la découverte et des premières utilisations des métaux demeurent encore assez floues car ni les lieux, ni les dates, ni les méthodes d’extraction ne sont connus avec précision. Certains métaux tels que le cuivre, l’argent, l’or existent souvent à l’état natif1 ce qui, évidemment, permet une utilisation immédiate. Cependant, la plupart du temps, les métaux ne sont disponibles que sous forme combinée. Ils apparaissent ainsi souvent sous forme d’oxydes, de sulfures, de carbonates ou d’autres combinaisons plus complexes. Ainsi, l’un des minerais de cuivre est la malachite, joli minéral vert très reconnaissable.
Malachite-carbonate de cuivre Cu2 CO3 (OH)3 (Photo J-P. Ulmet)
L’or, essentiellement présent sous forme native, a sans doute été l’un des premiers métaux utilisés car non altérable et remarquable par sa couleur et son aspect.
Pépite d’or natif de Guyane (largeur 2,5 cm) (Photo J-P. Ulmet)
C’est un métal « noble » travaillé depuis des millénaires pour des objets d’art ou des monnaies. Des objets en or parmi les plus anciens, datant du Ve millénaire avant notre ère, ont été trouvés dans la nécropole de Varna (actuelle Bulgarie).
Bijoux en or de la nécropole de Varna, Ve millénaire avant notre ère
Le cuivre, malgré sa relativement faible dureté, a été le premier métal utilisé pour fabriquer des objets de la vie courante et des armes car sa fusion ne se fait pas à température trop élevée (1085 °C) rendant assez facile le moulage par fonderie. Les gisements de cuivre natif ont été abondamment exploités pendant l’antiquité avant que ne soient utilisés ses composés. Les plus anciennes traces d’une métallurgie du cuivre apparaissent en Iran au Ve millénaire avant notre ère.
L’autre étape très importante dans l’histoire de l’utilisation des métaux est celle de la découverte du bronze. C’est un alliage de cuivre et d’étain en proportions variables, d’une dureté2 plus importante que celle du cuivre avec les mêmes facilités de fusion (à température plus faible même que le cuivre) et donc de moulage. Par contre, l’étain n’existe essentiellement que sous forme combinée d’oxyde (minéral appelé cassitérite).
C’est une découverte si importante que l’on parle de « l’Âge du bronze » dont le créneau temporel varie beaucoup avec la région considérée. On peut estimer grossièrement la période du bronze de 2000 à 800 ans avant notre ère.
La très grande découverte qui suit constitue « l’Âge du fer » dont la transition avec l’Âge du bronze se situe autour de l’an 1000 av. J.-C. Ce métal va révolutionner toute la société humaine jusqu’à nos jours. Mais la métallurgie du fer représente un saut technologique car ce métal n’existe pas à l’état natif (sauf en très petite quantité dans des météorites). La plupart du temps, il faut traiter et donc réduire des oxydes pour obtenir le fer. Ces opérations se font à haute température, le fer lui-même ayant une température de fusion de 1538 °C.
De manière générale, le traitement des minerais métalliques pour extraire les métaux fait appel à des températures élevées et donc à l’utilisation de fours. Les premières observations par les peuples anciens de l’effet de la chaleur sur certains minerais sont certainement dues au hasard avant que les conditions n’aient été reproduites, comprises puis développées…
Si l’on ajoute le plomb et le mercure au cuivre, à l’étain, à l’or, à l’argent, au fer, nous avons les sept principaux métaux connus des civilisations antiques. On pourrait rajouter d’autres éléments connus dans l’antiquité mais peu ou pas utilisés à l’état pur, par exemple l’antimoine, le zinc entrant dans la composition des laitons, etc.
L’ère industrielle : de plus en plus d’éléments sont découverts et utilisés
Depuis l’Antiquité et pendant longtemps, les découvertes restent peu nombreuses jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. C’est une longue phase pendant laquelle les matériaux, dont bien sûr les métaux, sont restés dans des usages traditionnels, domestiques, artisanaux, militaires, avec des technologies peu évoluées. Par contre, à partir de la seconde moitié du XVIIIe puis avec l’avènement de l’ère industrielle au XIXe siècle, on voit l’arrivée abondante de nouveaux éléments obtenus grâce au développement des procédés physico-chimiques. C’est ainsi que parmi les métaux sont isolés : le platine (Pt), le nickel (Ni), le manganèse (Mn), le magnésium (Mg), le tungstène (W), le titane (Ti), le chrome (Cr), le tantale (Ta), le lithium (Li), le silicium (Si) suivis de l’aluminium (Al).
Le tableau ci-dessous donne la date de découverte des métaux cités qui vont avoir un grand avenir pour la métallurgie d’aciers spéciaux et de manière générale d’alliages répondant à des impératifs industriels nouveaux et exigeants. Les éléments y sont désignés par leurs symboles tels qu’ils apparaissent dans le tableau de Mendeleiev3.
Vers la fin du XIXe siècle vont être isolées ce que l’on appelle les terres rares (constituant une série de 17 métaux mais dont certains, tel que le cérium, ne sont en fait pas si rares que cela…) souvent d’actualité car fortement impliquées dans de nombreuses technologies dites « de pointe ».
Les technologies nouvelles à partir de la deuxième moitié du XXe siècle
De nombreuses technologies sophistiquées apparaissent ou se développent au cours du XXe siècle, plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale, nécessitant des matériaux et alliages nouveaux capables de supporter souvent d’intenses sollicitations tant mécaniques que thermiques ou radioactives. On peut citer entre autres :
► L’industrie de l’aviation et des réacteurs (turbines à la flamme en sortie des chambres de combustion des réacteurs élaborées en superalliages à base de nickel capables de supporter des forces centrifuges considérables à des températures de l’ordre de 1000 °C). Le corps même de l’avion (carlingue) et sa voilure (ailes) font appel à des matériaux à la fois légers et résistants. Le duralumin est un alliage à base dominante d’aluminium avec du cuivre, du magnésium et du manganèse. Il reste très léger mais est mécaniquement beaucoup plus performant que l’aluminium.
On utilise également des alliages de titane présentant des qualités de légèreté et de solidité, et de plus en plus des matériaux composites faisant intervenir des matières très diverses non métalliques telles que les fibres de carbone, les fibres de verre, les polymères, les résines époxy, etc.
► Le spatial, au développement ultra rapide depuis la fin des années cinquante, fait intervenir une multitude de technologies de pointe dans tous les domaines dont beaucoup entrent dans l’élaboration des délicats appareils et détecteurs divers mis au point dans des laboratoires. Les technologies de l’électronique et de l’informatique y sont largement présentes.
Les fusées porteuses d’engins spatiaux utilisent des matériaux, pour leur structure et leurs moteurs, qui sont soumis à de fortes contraintes mécaniques et thermiques (la température d’une tuyère de moteur-fusée en fonctionnement est de l’ordre de 3000 °C).
► L’industrie nucléaire nécessite beaucoup de composants très divers et fiables. En particulier, différentes sortes d’aciers inoxydables y sont largement utilisés. Il est évident que l’environnement radioactif n’est pas sans effet sur le vieillissement entraînant la fragilisation de certains composants.
Et bien entendu le matériau de base actif des réacteurs nucléaires est l’uranium se présentant sous forme de barres d’oxyde contenues dans des gaines à base de zirconium.
Il faut aussi évoquer le nucléaire militaire avec deux éléments clés que sont l’uranium (très enrichi à 90-95 % en son isotope l’uranium 235) et le plutonium (produit au sein des réacteurs nucléaires).
L’électronique à semi-conducteurs4, une invention majeure !
Depuis l’invention des tubes électroniques à vide (la triode inventée par l'ingénieur américain Lee De Forest en 1906), l’électronique restait handicapée par les contraintes liées au fonctionnement même de ces tubes (encombrement, alimentations à haute tension, chauffage des cathodes émissives d’électrons, chaleur dégagée). Toutes ces contraintes matérielles rendaient totalement inenvisageable l’émergence de l’électronique numérique même si les principes théoriques étaient bien établis.
Tube électronique des années 50-60 (Photo J-P. Ulmet)
Ce n’est que dans les années cinquante, avec la mise sur le marché des premiers composants solides à semi-conducteurs (transistors), que l’électronique fait un bond en avant. La montée en puissance fulgurante de la microélectronique5 qui s’en suit va bouleverser tous les secteurs de nos sociétés et permettre maintenant le développement presque sans limites du numérique et de l’informatique…
C’est un saut technologique majeur dans l’histoire de l’humanité qui continue de révolutionner nos modes de vie et sans lequel nous vivrions très différemment !
On peut s’amuser un peu à lister quelques objets ou technologies qui n’existeraient pas si l’on n’avait pas découvert l’électronique intégrée :
Pas d’ordinateurs donc pas d’informatique évoluée (pas de simulations dans tous les domaines, pas de supercalculateurs), pas de tablettes, pas de téléphones portables, pas d’objets connectés, pas de robotique ni dans l’industrie ni dans la médecine, pas d’industrie spatiale donc pas de vols humains ni exploration du système solaire, etc., etc. !!!
Ce processeur Intel de la fin des années 90 (5 cm de côté) est équivalent à plusieurs millions de tubes électroniques tels que celui de la figure précédente !!! (Photo J-P. Ulmet)
Les technologies de pointe liées à la microélectronique et à l’informatique vont dès lors tirer profit, pour leurs propriétés électriques, optiques ou magnétiques, d’un certain nombre d’éléments chimiques, dont on ne parlait guère jusque-là.
Les premiers transistors utilisaient un semi-conducteur, le germanium, élément quasiment inconnu, rare dans la nature, obtenu comme sous-produit de la métallurgie du zinc car souvent associé à ses minerais. Très vite un autre semi-conducteur va s’imposer et devenir la base de toute la microélectronique et de l’industrie des cellules photovoltaïques (panneaux solaires). Il s’agit du silicium6, élément bien connu, lui, car l’un des plus abondants de la croûte terrestre mais qui n’était utilisé jusque-là que pour des alliages et la synthèse des silicones. Cependant, pour maîtriser ses propriétés électriques, on doit introduire dans le silicium des éléments judicieusement choisis, les dopants4, tels que le gallium, l’indium, le phosphore, l’arsenic, l’antimoine, etc.
Dans les années soixante, on découvre que de nombreux composés faisant intervenir plusieurs éléments différents (deux ou plus) ont des propriétés semi-conductrices largement étudiées dans les laboratoires de recherche et qui vont ouvrir vers de nouvelles applications industrielles et « grand public », telles que les lasers et les diodes électroluminescentes. Le chef de file de ces composés semi-conducteurs est l’arséniure de gallium (GaAs), synthétisé et étudié vers la fin des années 60, dont le principal intérêt est de pouvoir travailler à des fréquences plus élevées que le silicium (domaine des hyperfréquences).
Des technologies nouvelles « gourmandes » en métaux rares
Depuis quelques années, des technologies nouvelles ou en plein développement ont pénétré tous les aspects de nos vies. On ne peut être exhaustif tant celles-ci se sont multipliées et même banalisées en particulier dans le domaine des télécommunications et de l’informatique. Il paraît impossible à la majorité d’entre nous d’imaginer vivre sans téléphones portables, tablettes et ordinateurs, télévisions… Nous avons vu que toutes ces technologies fondées, entre autres, sur l’électronique et la microélectronique utilisaient des éléments peu courants. De manière générale, on constate que cette montée en puissance de technologies de plus en plus sophistiquées, dans tous les domaines, s’accompagne d’un besoin croissant des divers éléments figurant au tableau de Mendeleiev. Malheureusement, cette « avidité » en matériaux nouveaux, souvent rares, impacte de plus en plus gravement notre planète !
► Examinons par exemple le cas des téléphones portables dont le marché a explosé au cours de ces dernières années. Le nombre d’éléments, métaux ou non-métaux, qui entrent dans leur fabrication, est tout à fait considérable. On estime ce nombre à environ une cinquantaine dont une majorité de métaux.
La batterie (lithium-ion) est composée de lithium, de cobalt, de carbone, d’aluminium et d’oxygène.
L'écran est composé d'indium, d'oxygène, d'étain, d'aluminium, de silicium, de potassium, et de terres rares (yttrium, lanthane, terbium, praséodyme, europium, dysprosium et gadolinium).
L'électronique est composée de cuivre, d'argent, d'or, de tantale, de nickel, de silicium, d'oxygène, d'antimoine, d’arsenic, de phosphore, de terres rares (dysprosium, gadolinium, praséodyme, terbium, néodyme), de gallium, d'étain et de plomb.
La coque est composée de carbone, de magnésium, de brome et de nickel.
► Un autre domaine désormais en forte expansion est celui de l’automobile électrique nécessitant des batteries performantes caractérisées par une densité massique d’énergie la plus forte possible afin d’assurer une autonomie confortable tout en occupant un volume (poids) minimal. De nombreux types de batteries ont été essayés depuis l’historique batterie au plomb inventée en 1859. Actuellement, la batterie lithium-ion est privilégiée car elle possède les meilleures performances. Plusieurs types de moteurs électriques sont utilisés pour la traction et certains nécessitent des aimants puissants à base de terres rares.
► Les éoliennes utilisent également différents types de générateurs dont certains emploient des aimants permanents donc très gourmands en terres rares eux aussi.
Dans ces trois exemples, téléphonie, automobile, éoliennes, on voit l’importance des terres rares et de certains éléments comme le lithium, le cobalt, l’indium le nickel, le tantale. Le cuivre n’est pas vraiment un métal rare mais il est indispensable pour le fil des bobinages des machines électriques, moteurs et générateurs.
Les minerais nécessaires proviennent de gisements exploités dans des conditions très différentes : soit des immenses exploitations telles que celle du cuivre au Chili ou souvent des moyennes ou petites exploitations artisanales dans des conditions fréquemment inhumaines, principalement sur les continents africain et asiatique. Les travailleurs, hélas parfois des enfants, récupèrent ces métaux pratiquement sans repos dans des conditions très dangereuses et souvent pour des revenus de misère. L'exploitation minière pollue gravement l'eau et les sols à cause de la toxicité des métaux libérés par l’extraction.
L’utilisation des métaux rares épuise ainsi des réserves non renouvelables souvent très limitées…
Les minerais sont très inégalement répartis à la surface du globe ce qui crée parfois d’importantes tensions politico-commerciales entre les pays. Par exemple voici quelques pays d’où sont extraits les métaux rares :
► Les terres rares proviennent majoritairement de Chine, qui a un quasi- monopole sur leur production et possède les plus grandes réserves, suivie par l’Inde et le Brésil. Le gisement chinois de Bayan Obo est actuellement le plus important du monde :
Photo aérienne de la mine de Bayan Obo
► Le coltan7, principal minerai de tantale, vient essentiellement d’Australie, du Rwanda et de la République Démocratique du Congo (RDC). En Afrique, il est exploité la plupart du temps de manière rudimentaire et dangereuse avec des éboulements fréquents…
Monocristal de niobite (Fe, Mn) (Nb, Ta)2 O6, minerai de niobium et tantale (Photo J-P. Ulmet)
► Le cobalt est aussi extrait de la RDC qui produit 65 % de la consommation mondiale. Il est aussi extrait en Zambie et au Maroc. Le cobalt et ses composés sont hautement toxiques. La plupart de ses minerais sont des composés arséniés.
Skutterudite (Co, Ni) As3, minerai de cobalt de Bou Azzer (Maroc) (Photo J. P. Ulmet)
► Le nickel est principalement exploité en Russie (19 % de la production minière), au Canada (15 %), en Australie (11 %), en Indonésie (11 %) et en Nouvelle-Calédonie (9 %). Dans ce dernier pays, la pollution engendrée par l’exploitation du nickel à grande échelle est une réelle menace pour la biodiversité en particulier de la mer (coraux).
Garnierite (Ni, Mg)3 [Si2O5 ](OH)4, minerai de nickel de Nouvelle-Calédonie (Photo J-P. Ulmet)
► Le lithium indispensable à l’heure actuelle pour les batteries provient essentiellement de Bolivie (lacs salés) et aussi d’Argentine, du Chili, d’Australie, de Chine. Différents minéraux en contiennent des proportions importantes (mica lépidolite). Des études sont menées actuellement pour remplacer, dans l’avenir, le lithium par d’autres métaux alcalins très courants tels que le sodium.
Mica lépidolite K (Li, Al)3(Si, Al)4O10(F,OH)2, minerai de lithium (Photo J-P. Ulmet)
► L’indium est considéré comme l‘une des matières premières les plus rares de la planète. Il n’y a pas à proprement parler de gisements d’indium car on le trouve en petites quantités dans des mines de zinc ou de plomb dans quelques pays comme la Chine, le Japon et le Canada. Il est malheureusement indispensable pour les hautes technologies, telles que la fabrication des écrans tactiles et autres technologies liées aux semi-conducteurs.
► Le cuivre est exploité en particulier dans la gigantesque mine à ciel ouvert de Chuquicamata au Chili :
Mine de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata (Chili)
Matériaux stratégiques
À la demande du ministère en charge des mines et des matières premières, le BRGM (Bureau des Recherches Géologiques et Minières) publie depuis 2010 des monographies relatives à des métaux potentiellement stratégiques pour l'économie française.
Les éléments suivants ont été examinés :
Début 2010 : gallium, germanium, niobium ;
2010-2011 : béryllium, molybdène, rhénium, sélénium, tellure ;
2011-2012 : antimoine, graphite, lithium, tantale, tungstène ;
2013 : cobalt et platinoïdes (platine, palladium, rhodium, iridium, ruthénium) ;
2015 : terres rares.
Sont passés en revue :
L'état de la demande : revue des usages, quantification de la consommation mondiale et de son évolution récente, anticipation de son évolution prochaine possible, possibilités et perspectives de substitution ;
L'état de l'offre : inventaire des ressources connues, des productions, et des sources d'approvisionnement primaires et secondaires, en France et dans le monde, présentation de son évolution récente et évaluation de son évolution prochaine, possibilités, réalités et perspectives de recyclage ;
Les prix et leur évolution ;
L'identification des principaux acteurs français, européens et mondiaux ;
Une évaluation de la criticité (importance et disponibilité) de la substance pour l'industrie française.
Regards vers le futur
La dépendance des technologies de pointe vis-à-vis des métaux rares pose un certain nombre de problèmes liés au choix de société que nous ferons quant à sa sobriété ou pas et à la pertinence des choix stratégiques pour lutter contre le réchauffement climatique compte tenu de toute une série de conséquences négatives : émissions de gaz carbonique, pollutions de l’air, des sols, des rivières, des nappes phréatiques, des mers avec un impact très fort sur la biodiversité et les populations. Nombreux sont les exemples d’exploitations à grande échelle ou d’industries qui malheureusement engendrent toutes ces nuisances.
La balance bénéfices-nuisances est-elle toujours bien évaluée ?
Un exemple typique est celui de la voiture électrique qui, aujourd’hui, est l’objet d’un véritable engouement. Il n’est pas évident que celle-ci constitue un réel progrès car sa généralisation à l’échelle planétaire risque d’accélérer fortement la demande en terres rares et en lithium. D’autre part, le surcroît d’électricité nécessaire pour charger les batteries va poser de très gros problèmes alors que nos sociétés sont déjà si gourmandes en énergie électrique. Le charbon est encore une source d’énergie majeure pour produire de l’électricité alors qu’il faudrait s’en débarrasser au plus vite pour diminuer les émissions de gaz carbonique (le fameux CO2) et la pollution de l’air. Comment va-t-on faire pour répondre à une demande de plus en plus importante ? Le nucléaire ? Les énergies renouvelables ? Mais ces dernières sont très peu disponibles la nuit (le solaire) alors que c’est surtout pendant cette période que les batteries des automobiles seront rechargées… De plus, d’une certaine manière, avec un tel besoin en métaux rares, n’est-ce pas décentraliser les nuisances dues à l’exploitation minière en la faisant effectuer par des pays lointains ?
On le voit, les choix ne sont pas du tout évidents et souvent dictés par des impératifs insuffisamment scientifiques (économiques, politiques, sociaux).
Si l’on continue à exploiter des ressources en quantité limitée, comment fera-t-on lorsqu’un certain nombre seront épuisées ? Laisserons-nous à nos enfants et petits-enfants le soin de « se débrouiller » ?
Tous ces problèmes méritent d’être considérés de manière approfondie car c’est bien l’avenir de l’humanité qui est en jeu. Beaucoup comptent sur la science pour les résoudre et, effectivement, des laboratoires cherchent déjà des matériaux, aux propriétés nouvelles, capables de prendre le relais des métaux rares pour un certain nombre d’applications. Mais la science ne peut pas éternellement corriger les chemins empruntés par l’humanité… !
Notes
1 On désigne par natif un élément chimique que l’on trouve sous forme pure dans la croûte terrestre, non combiné avec d’autres éléments.
2 La dureté d'un matériau définit la résistance qu'il oppose à la pénétration d'un poinçon, par exemple une bille en acier trempé (dureté Brinell) ou une pyramide en diamant (dureté Vickers). Plus l’empreinte du poinçon est petite plus le matériau est dur. La dureté se mesure sur différentes échelles selon le type de matériau considéré.
3 Le tableau de Mendeleiev (1834-1907, chimiste russe) ou tableau périodique des éléments rassemble tous les éléments chimiques, naturels (au nombre de 94) ou artificiels, classés suivant leur organisation électronique et dont découlent leurs propriétés chimiques.
4 Un semi-conducteur est un matériau, corps simple ou composé, qui se rapproche des isolants par ses propriétés électroniques mais que l’on peut rendre fortement conducteur en introduisant de très faibles quantités d’éléments convenablement choisis que l’on appelle des « dopants ».
5 La microélectronique recouvre tout un ensemble de technologies ayant pour but de rassembler sur une même « puce » de silicium, dans un espace minimum, des circuits électroniques complexes (électronique intégrée). Le nombre de composants intégrés dans une même puce croît d’année en année avec une augmentation des performances et de la rapidité (loi de Moore). C’est la base de nos systèmes informatiques (par exemple les processeurs de nos ordinateurs).
6 Le silicium est, après l’oxygène, l’élément le plus abondant de la croûte terrestre, la majorité des minéraux étant des silicates. On l’obtient à partir de la réduction de la silice de formule SiO2, très abondante dans la nature.
7 Coltan est une contraction de colombium-tantale, les deux métaux présents en forte proportion dans ce minerai. En fait, le colombium est l’ancienne appellation du niobium, autre métal rare.
Article rédigé par Jean-Pierre Ulmet, volontaire du Muséum
Mis en ligne le 24 février 2021