
Photo 1 : La Garonne au Quai Viguerie / Photo 2 : Anguille dans la Garonne
Sur Toulouse métropole, la plupart de ces pièces d'eau sont partiellement ou totalement artificialisées. La Garonne par exemple n'est plus libre de changer de lit et ne présente plus sur son fond le tapis de galets qu'elle devrait supporter. Ceux-ci ont été systématiquement enlevés pendant plus d'un siècle pour être utilisés dans la construction. L'édification de barrages en amont empêche en outre le réapprovisionnement naturel en pierres depuis la montagne toute proche. A Toulouse le fond de la Garonne est donc marneux , les poissons ne trouvent plus de places pour frayer et les plantes aquatiques s'enracinent plus facilement, formant des herbiers qui couvrent des surfaces considérables. A contrario, depuis quelques années, la qualité de l'eau s'est considérablement améliorée favorisant en cela le développement d'une végétation exhubérante de plantes aquatiques.
Photo 3 : Etang artificiel
En terme de biodiversité, ces plantes aquatiques comprennent des espèces indigènes mais aussi plusieurs espèces exotiques introduites principalement depuis les Amériques soit de manière accidentelle soit de manière volontaire (rejets de plantes d'aquariums par exemple).(4)
Photo 4 : Une espèce américaine, la Jussie
Toutes ont une action réparatrice sur ces pièces d'eau que nous malmenons par nos activités de loisirs, nos rejets et nos constructions :
- Elles ombragent les plans d'eau en été permettant de faire diminuer la température de l'eau et donc son évaporation.
- Elles fixent et consomment les nutriments présents en excès, notamment les déchets riches en azote issus des engrais agricoles et des rejets des stations d'épuration.
- Elles fournissent aux poissons une nourriture, un abri et un lieu de reproduction pour quasiment toutes les espèces présentes, depuis les herbivores comme le Gardon jusqu'aux gros prédateurs tels le Brochet qui se cache dans ces herbiers pour sa chasse à l'affût.(5)
Photo 5 : Brochet dans vallisnérie
Depuis les berges des Canaux, de la Garonne, de l'Hers, du Touch ou des diverses petites voies et pièces d'eau de la métropole toulousaine, partons à la découverte de différentes espèces d' algues, de mousses et de plantes à fleurs, facilement observables durant la période estivale. Elles sont faciles à reconnaitre en regardant seulement les tiges et feuilles. Les principales sont présentées ci-dessous dans un ordre scientifique classique depuis les plus simples jusqu'aux plus complexes.
Les Algues
On regroupe à tort sous le terme d'"Algue" divers végétaux verts, aquatiques, qui représentent des groupes très éloignés. De nombreuses espèces sont en effet des plantes à fleurs qui ont des racines, des tiges et des feuilles bien différenciées.
Les Algues au sens strict sont des végétaux pour lesquels on ne peut différencier ni racines, ni tiges, ni feuilles et qui n'ont pas de système conducteur de sève. Elles ne produisent pas de fleurs et se multiplient soit par spores soit de manière végétative (par boutures par exemple). Elles sont microscopiques la majeure partie de l'année et font partie de ce que l'on appelle le phytoplancton. A ce stade, les différentes espèces d'algues absorbent les nutriments de l'eau et servent de nourriture à de nombreux animaux. Elles sont responsables de la coloration de l'eau en vert.
Leurs formes visibles sont le résultat de proliférations dues à des températures élevées d'eaux dormantes et ensoleillées et à une grande richesse en nutriments (azote et phosphore surtout). Elles ressemblent alors a des filaments enchevêtrés ou a des amas gluants.
De telles proliférations connues sous le nom d'efflorescences sont très ponctuelles mais modifient l'équilibre du milieu aquatique en épuisant les réserves d'oxygène dissous dans l'eau.(6)
Photo 6 : Efflorescence d'algues près du Pont Saint-Pierre à Toulouse
L'identification des espèces (des centaines !) nécessite l'emploi d'un microscope. On peut néanmoins différencier au toucher deux grands groupes : des masses de filaments, ce sont des Algues vertes , des masses gluantes, ce sont des Algues bleues.
Malgré un aspect plutôt insalubre qui leur colle à la peau, la plupart des espèces, observées à la loupe, révèlent des structures magnifiques. On peut citer par exemple le genre Hydrodictyon (7) dont les filaments enchevétrés en hexagones ressemblent à des filets de pêche minuscules ou bien le genre Vaucheria (8) qui forme sur les marnes de la Garonne de véritables barbes vertes. Appartenant au groupe des algues rouges, le genre Lemanea est composé d'algues formant de longs filaments semblables à des vers bruns et fins.(9)
Il y a des algues dans l'eau toute l'année mais elles ne prolifèrent que pendant l'été. Certaines espèces peuvent être toxiques à l'ingestion et il faut alors éviter de consommer de l'eau, des poissons ou des crustacés où a lieu la prolifération.
Il est difficile de lutter contre ces proliférations et le mieux est de s'attaquer aux causes : comme on ne peut rien faire pour la température de l'eau il faut limiter les rejets de déchets azotés et phosphorés. L'utilisation d'algicide n'est pas recommandé car ceux-ci sont nocifs pour la vie aquatique et en détruisant les algues ils entraînent la libération subite des nombreuses toxines qu'elles contiennent.
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Photo 7 Hydrodictyon, Photo 8 Vaucheria, Photo 9 Lemanea
Les mousses
Plantes habituellement terrestres, non ramifiées et peu élevées, les mousses présentent une tige courte et des feuilles réduites à des écailles. Elles se multiplient aussi par des spores et par division végétative.
Il existe des mousses aquatiques qui présentent comme certaines de leurs cousines terrestres la capacité de reviviscence, c'est-à-dire qu'elles peuvent supporter de longues périodes au sec (en période de basses eaux) à l'état de vie ralentie et retrouver forme et couleur quand l'eau revient. Dans la Garonne et le Touch on trouve assez facilement, fixées sur les rochers des eaux courantes, une Fontinale, Fontinalis antipyretica. (10 et 11)
Photo 10 : Fontinalis sous l'eau / Photo 11 : Fontinalis hors d'eau
Les Plantes à fleurs
Comme les algues, leur prolifération temporaire est due à la température élevée des eaux dormantes et à leur richesse en nutriments. Elles participent à l'épuration chimique de l'eau, à sa limpidité (en fixant les matières en suspension) et fournissent gîte et/ou couvert à toutes les espèces animales aquatiques ou amphibies.(12)
Photo 12 : Nénuphar près de la Médiathèque Grand M à Toulouse
Les plantes enracinées au fond
- Le Cornifle submergé, Ceratophyllum demersum, famille des Cératophyllacées : (13)
Photo 13 : Cornifle
Le Cornifle émet de longues tiges ayant des verticilles de feuilles très fines, denticulées et divisées de manière dichotomique. Sa tige est faiblement enracinée dans la vase des eaux calmes à faiblement courantes.
C'est une espèce qui tolère une faible luminosité et peut donc se développer à des profondeurs importantes.
Les fleurs sont minuscules, portées par des tiges à la surface de l'eau et la plante se multiplie essentiellement par bouturage de tige.(14)
Photo 14 : Limnées
Le Cornifle a une grande importance écologique : les escargots aquatiques par exemple ont l'habitude d'y fixer leurs pontes gélatineuses et translucides.
C'est une espèce surtout fréquente dans les eaux du Canal du Midi, Canal latéral et de la Garonne.
- Le Cabomba aquatique, Cabomba caroliniana, famille des Cabombacées
Très similaire au Cornifle mais avec des feuilles opposées deux à deux et plus ramifiées, le Cabomba est une plante récemment introduite en France et dont la première observation sur le Canal du Midi date de 2009. Elle affectionne les eaux calmes, chaudes et riches en éléments nutritifs.
Originaire d'Amérique du Sud, le Cabomba présente comme beaucoup de plantes aquatiques, deux types de feuilles : les immergées sont réduites à des lanières et les feuilles flottantes sont entières, en forme de losange. Dans la métropole on ne le rencontre pour l'instant que dans les eaux du Canal du Midi et du Canal latéral.(15 et 16)
Photo 15 et 16 : Cabomba
- Le Potamot noueux, Potamogeton nodosus, famille des Potamogetonacées compose de larges radeaux flottants. L'espèce fleurit en Juin-Juillet et les inflorescences en forme de massue dressées au-dessus de l'eau ressemblent à des bougies. La pollinisation de toutes les espèces de potamot est ainsi assurée par des insectes volants.(17)
Photo 17 : Potamot noueux
C'est l'espèce la plus visible sur la Garonne et les longues tiges ainsi que les feuilles immergées et flottantes en forme de fer de lance de cette espèce enracinée dans la vase fournissent un abri à de nombreuses espèces de poissons ainsi qu'un reposoir et un lieu de reproduction pour beaucoup de larves aquatiques et d'insectes volants. Le Potamot noueux partage l'espace avec deux autres espèces moins développées, le Potamot pectiné, Potamogeton pectinatus dont les feuilles sont réduites à des lanières et le Potamot à feuilles crispées, Potamogeton crispus dont les marges des feuilles lancéolées sont ondulées.(18)
Photo 18 : Potamot pectiné
Ces 3 espèces jouent un rôle crucial dans l'ombrage de l'eau et la diminution de sa température estivale en limitant ainsi l'évaporation. Elles sont présentes dans les eaux dormantes à faiblement courantes. On en trouve de très grandes populations dans la Garonne au Quai Viguerie.
- L'Elodée dense, Elodea densa, famille des Hydrocharitacées ne se développe qu'en eaux dormantes. Ses tiges portent des feuilles disposées par 4 à chaque noeud. On la trouve en mélange avec une autre espèce très proche (feuilles disposées par 3, plus courtes) qui est l'Elodée du Canada, Elodea canadensis. Toutes deux peuvent former d'importantes masses aquatiques et présentent une vitesse de croissance impressionnante. (19 et 20)
Photos 19 et 20 : Élodée dense
Ces deux espèces possèdent des tiges très cassantes : chaque morceau qui se casse est ainsi capable de redonner un nouvel individu. Les floraisons blanches, discrètes ont là encore lieu en milieu aérien.On rencontre ces deux espèces dans la Garonne mais aussi dans les lacs et les étangs.
- Le Myriophylle en épi, Myriophyllum spicatum, famille des Haloragacées présente de longues tiges fragiles parsemées de feuilles pectinées disposées en verticilles. Ses longues inflorescences en épis grêles rouge et blanc dépassent longuement de l'eau et permettent de le reconnaître facilement. Le Myriophylle a une préférence pour les eaux courantes et il est présent sur le Touch et la Garonne ainsi que dans l'Hers malgré la grande turbidité de ce dernier.(21)
Photo 21 : Myriophylle en épi
- La Naïade aquatique, Najas marina, famille des Hydrocharitacées est une belle plante discrète aux feuilles fines caractéristiques dont le bord du limbe est denté piquant. Sa floraison est minuscule et difficile à observer. C'est une espèce à comportement lunatique qui peut ne pas se manifester pendant plusieurs années et réapparaitre quand les conditions du milieu lui sont favorables. On la trouve dans la Garonne à l'ombre des herbiers de Potamot notamment au Quai Viguerie.(22)
Photo 22 : Naïade aquatique
- La Vallisnérie spiralée ou Herbe aux bouclettes, Vallisneria spiralis L., famille des Hydrocharitacées est une plante à fleurs originaire d'Amérique tropicale au mode de vie complètement submergée.
Ses feuilles linéaires et rubanées ressemblent beaucoup à celles de la posidonie que l’on trouve dans les eaux salées et comme elle, elle forme de grands herbiers aquatiques
Les fleurs sont portées au bout de tiges qui partent de la base des feuilles et qui s’ouvrent à la surface de l'eau. Fleurs mâles et femelles se trouvent sur des pieds différents et la pollinisation se fait quand une fleur mâle décrochée de sa tige rencontre au gré du courant une fleur femelle.
Une fois la pollinisation effectuée, la tige qui porte alors le jeune fruit se rétracte sous l’eau en se tordant en forme de spirale caractéristique
Ce mode de pollinisation un peu aléatoire est largement compensé par la capacité de la plante à émettre de nombreux stolons.
Elle affectionne les eaux peu courantes plutôt chaudes. Elle se plaît dans les sols vaseux, riches en matière organique et peu profonds.(23 et 24)
Photos 23 et 24 : Vallisnérie
Enfin, sur les parties plus courantes et peu profondes vers le pont St Michel et en aval de la Chaussée du Bazacle on va trouver les magnifiques chevelures vertes composées par les tiges de la Renoncule des rivières, Ranunculus fluitans, famille des Renonculacées.
Les grandes fleurs blanches qui éclosent de Mai à Juillet sont pollinisées par les insectes. (25 et 26)
Photos 25 et 26 : Renoncule des rivières
Les plantes flottantes
Ce sont les lentilles d'eau. Sous ce nom commun ce sont en fait trois espèces que l'on rencontre et qui sont très faciles à différencier en y regardant de près.
- La Spirodèle, Spirodela polyrhiza, famille des Aracées possède des feuilles flottantes en forme de goutte d'eau, légèrement épaissies et pourpres sur le revers. Sa floraison est minuscule et la plante se multiplie surtout par des stolons. (27 et 28)
Photos 27 et 28 : Spirodèle
Chaque feuille possède au moins 2 racines fines et blanches. Elle vit dans les eaux stagnantes et ensoleillées en formant rarement de grandes populations et est très sensible à la pollution, on la trouve donc plutôt dans les coins d'eau dormante du Canal du Midi.
- La Petite lentille d'eau, Lemna minor possède de petites feuilles ovales. Chaque feuille possède une seule racine filiforme. Elle affectionne les mêmes milieux que la Spirodèle mais tolère les eaux polluées et eutrophiées.(29)
Photo 29 : Petite lentille d'eau
- La Lentille d'eau bossue, Lemna gibba est la plus rare et la plus spectaculaire. Ces feuilles arrondies de 4-5mm de diamètre sont renflées sur la face inférieure et translucides, laissant apparaître un réseau de loges gonflées. Sa présence est très aléatoire et fugace et on peut la voir assez régulièrement en été sous le Pont Neuf rive droite de la Garonne.(30)
Photo 30 : Lentille bossue
Dans le but de mieux connaître la répartition des différentes espèces de plantes aquatiques dans la Garonne et de faire un état des lieux du fleuve, une expédition de 6 naturalistes descendra le fleuve en canoé entre St Martory et Toulouse du 2 au 5 Septembre de cette année.
Une fois synthétisés, les résultats de ces prospections seront diffusés sur le site du Muséum de Toulouse.
Article écrit par Boris Presseq, botaniste au Muséum de Toulouse
Mis en ligne le 24 août 2017