
© Inserm, P. Dournaud - Neurone de l'hippocampe avec ses très nombreux prolongements (axone et dendrites)
Premier "épisode"
Comment construire une tête bien faite ?
ça commence à la 3ème semaine embryonnaire
Le cerveau est déjà à l'œuvre avant même que nous ayons conscience d'exister. En effet, dès la 3ème semaine de grossesse, le cerveau commence à se développer dans la tête de l'embryon humain.
Tout démarre à partir de cellules particulières, les cellules souches neurales, qui prolifèrent à une vitesse frénétique qui peut atteindre à son pic 200.000 cellules/minute ! Au fur et à mesure de leur production, ces nouvelles cellules quittent l'état hyperprolifératif pour se différencier en neurones.
La formation du cortex
Certains des jeunes neurones sont guidés par des cellules «assistantes» (les cellules gliales) vers la surface où ils s'empilent en couches successives pour former le cortex. Les neurones qui ne migrent pas restent enfouis sous forme d'ilôts cellulaires sous-corticaux qui donneront le thalamus et les noyaux gris centraux. Ainsi, la totalité de notre «matière grise» est répartie entre le cortex et les ilôts sous-corticaux.
Photo : maquette du cerveau (Zone en plis : le cortex - Zone notée 6.45 : le thalamus). CC BY-NC-ND djneight
Cependant, ces 2 régions sont fonctionnellement indissociables car tous les stimuli qui parviennent au cortex en provenance des organes et de l'environnement sont d'abord traités au niveau du thalamus. Ce traitement de l'information s'établit dès que le cortex est formé et doit être maintenu toute la vie.
Mise en place du traitement de l'information
© Inserm, P. Dournaud - Neurone de l'hippocampe avec ses très nombreux prolongements (axone et dendrites)
Il se met en place grâce à la synaptogenèse, un processus durant lequel les neurones émettent des prolongements (axones et dendrites) qui se projettent en direction d'autres neurones car ceux-ci sécrètent des substances attractives (ou facteurs neurotrophiques). Des contacts spécialisés, les synapses, s'établissent ainsi entre les neurones, leur permettant d'échanger des informations.
Nettoyage des neurones exédentaires
Durant cette période, les neurones se livrent à une dure compétition et les retardataires qui n'ont pas établi de contacts sont victimes d'une mort par «suicide cellulaire». Cet événement, appelé apoptose, est à l'origine d'une perte massive de neurones. A contrario, il permet de «nettoyer» le cerveau de l'excès de cellules produites lors de la première phase de prolifération.
La qualité du traitement de l'information est soumise aux influences de l'environnement
La synaptogenèse est une étape critique du développement cérébral. Si l'organisation du cerveau est génétiquement programmée, l'exécution de ce programme est perpétuellement modulée par la qualité du dialogue qui s'établit entre les cellules. Ce dialogue s'intensifie avec la complexification des réseaux qui s'assemblent, mais il est également sujet aux influences de l'environnement, d'abord maternel, utérin, puis socio-éducatif. Ceci explique pourquoi tous les cerveaux humains sont différents, y compris ceux de vrais jumeaux.
Visualiser l'activité des neurones
© Inserm, Auzias, Guillaume & Baillet, Sylvie & Colliot, Olivier. Représentation de neuro-imagerie.
Les réseaux de neurones élaborés grâce à la synaptogenèse peuvent être facilement visualisés car, dès leur construction, leur activité se traduit par des signaux électriques que l'on peut enregistrer. Les techniques d'imagerie de plus en plus performantes permettent d'établir des cartes fonctionnelles dans lesquelles chaque région représente un ensemble de neurones assurant une fonction déterminée. Certaines régions sont réservées à la réception de signaux alors que d'autres sont nécessaires à leur interprétation, c'est à dire toute opération qui leur donne un sens.
Tout se joue dès le stade embryonnaire
Tous les signaux que nous recevons sont donc décodés grâce à la coopération de plusieurs aires cérébrales capables de traiter en simultané toutes leurs caractéristiques. Ces fonctions sont acquises chez le fœtus qui perçoit déjà les sons, la lumière, les goûts et également des informations provenant de ses organes qu'il utilise pour construire une représentation «standard» de son corps dans son état d'équilibre. Cette représentation mentale lui servira de référence tout le reste de sa vie. L'harmonie entre cette image de référence et la mesure « en direct » de l'état corporel participe à l'établissement de la conscience de soi.
Dans le second chapitre de cette trilogie, nous verrons comment ce cerveau encore balbutiant va acquérir ses formidables compétences.
Article rédigé par Valérie Mils, Maître conférence en Biologie Cellulaire - Centre de Biologie du développement - Université Paul Sabatier à Toulouse.