
Des premiers cœlacanthes à nos jours, 360 millions d'années se sont écoulées…
Des fossiles d'une importance capitale…
Les cœlacanthes seraient apparus à l'Ère primaire ou Paléozoïque, plus spécifiquement au Dévonien (416-360 millions d'années). Ils intéressaient déjà les scientifiques du XIX
e siècle car leurs nageoires paires (antérieures ou pectorales et postérieures ou pelviennes) charnues munies de pièces basales osseuses en faisaient de potentiels ancêtres des Vertébrés à quatre membres, les Tétrapodes, qui sortirent plus tard des océans et colonisèrent la terre ferme.

Le cœlacanthidé Whiteia woodwardi. Ce spécimen provient d'Ambilobe, Madagascar. Il a été découvert dans une région datée du Trias (Ère secondaire ou Mésozoïque, 245-205 millions d'années). Il s'agit d'un fossile marin, mais la présence de gymnospermes (végétaux) dans d'autres nodules montre que le littoral était proche. CC by-sa Muséum de Toulouse.
Une découverte zoologique remarquable
Les cœlacanthes étaient considérés comme disparus depuis au moins 70 millions d'années, s'étant éteints à la fin du Crétacé supérieur. Mais voilà qu'en 1938, un curieux poisson fut pêché au large du Natal en Afrique du Sud. Lorsqu'on le lui apporta au musée d'East London, la conservatrice, Miss Latimer, fit appel à l'un de ses collègues ichtyologues, le Pr J.L.B Smith. Celui-ci le baptisa, en 1939,
Latimeria chalumnae
en l'honneur de son "inventeur" et du lieu de sa découverte, face à l'embouchure du fleuve Chalumna. Mais l'état de décomposition avancée du sujet n'en permit pas l'étude.

Latimeria chalumnae, spécimen des Collections du Muséum de Toulouse, exposition permanente cc by-sa Maud Dahlem, Muséum de Toulouse
Il fallut attendre 1952 pour qu'un
autre cœlacanthe soit pêché au large d'Anjouan, l'une des îles de
l'archipel des Comores, alors français. Ce spécimen, lui aussi en très mauvais état, fut identifié initialement par le
Pr Smith, puis les chercheurs français s'en emparèrent. Ainsi, il revint au
Pr J. Millot, de l'Institut de Recherches Scientifiques de Madagascar, et au
Pr J. Anthony, du Muséum National d'Histoire Naturelle, d'étudier le cœlacanthe et de rédiger la monographie anatomique de l'espèce (CNRS éd., 1958, 1965, 1978). Écarté de ce projet, le Professeur Smith se suicida…
Depuis, on a découvert,
en 1997, en Indonésie,
une seconde espèce de cœlacanthe qu'on a appelée
Latimeria menadoensis, du nom de Manado, la capitale de Sulawesi (Célèbes). Plus qu'une découverte, cette trouvaille fut une véritable surprise car on considérait que les cœlacanthes vivants étaient confinés au large de la côte Est africaine.
La séparation des deux espèces, africaine et indonésienne, aurait eu lieu il y a environ 10 millions d'années.
1995-2003, des cœlacanthes sont découverts au large de l'Afrique (Tanzanie) et de Madagascar.
2009, des chercheurs japonais filment un cœlacanthe juvénile au nord de Sulawesi, en Indonésie.
Histoire du Coelacanthe du Muséum de Toulouse

Le spécimen Latimeria chalumnae du Muséum de Toulouse, donné par un médecin narbonnais oeuvrant aux Comores. Ce spécimen est arrivé au Muséum en mauvais état ; il fut mis alors dans une solution formolée. À l'occasion de l'exposition temporaire en 1994 : « Le Cœlacanthe, un fossile vivant », le spécimen a été monté par Jean-Pierre Barthès, taxidermiste du Muséum, sur un mannequin en résine.
Des espèces très menacées
En raison de leur habitat probablement peu étendu et de leurs populations peu nombreuses,
les espèces de Latimeria sont protégées par la Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et de flore Sauvages menacées d'extinction (CITES).
En 2001, grâce à une campagne réalisée avec les pêcheurs de l'île de la Grande-Comore, le chercheur Hans Fricke et ses collègues évaluèrent la
population de cœlacanthes des Comores à environ 500 individus. La
découverte de l'espèce indonésienne laisse cependant augurer l'existence d'autres populations entre ces deux sites, qui restent à découvrir.
Quelques caractéristiques du cœlacanthe
Le cœlacanthe a l'apparence d'un poisson, mais il n'en est pas véritablement un. Regardons le vivre et listons ses caractéristiques.

- Le cœlacanthe vit aujourd'hui entre 70 et 400 m de profondeur. Il passe ses journées, inactif, dans les cavités sous-marines des pentes volcaniques et, la nuit, il chasse. Sa longévité peut atteindre 25 ans.
- Les individus peuvent mesurer jusqu'à 1,80 m et peser 90 kg.
- Leur couleur naturelle est bleu acier avec des tâches blanches.
- La nageoire caudale, à 3 lobes, est symétrique.
- Les nageoires paires du tronc (pectorales et pelviennes), ainsi que la deuxième dorsale et la nageoire anale, sont portées par un membre charnu muni d'un axe osseux.
- Les écailles épineuses, d'un type particulier (écailles cycloïdes), sont rugueuses : la peau des cœlacanthes était utilisée par les Comoriens comme papier de verre.
- Il n'a pas de véritable colonne vertébrale osseuse (elle n'est pas différenciée) mais une chorde (un tube cartilagineux rempli de liquide), les côtes sont absentes.
- L'organe rostral, situé sous le cartilage nasal, est un organe sensoriel capable de détecter les champs électromagnétiques émis par les proies.
- La vessie natatoire qui donne leur flottabilité aux poissons est modifiée en un sac de graisses et de collagène, fluides à basse densité.
- Le rein se trouve dans la partie ventrale de la cavité abdominale. Ce caractère est exceptionnel chez un vertébré. Une glande rectale osmorégulatrice excrète le sel.
- Après gestation, la femelle met bas des petits bien formés grâce au développement d'un pseudo-placenta. C'est un mode de reproduction ovovivipare, avec tendance vers la viviparité.
Les premières vidéos du coelacanthe ont permis de montrer :
• le mode de déplacement : Hans FRICKE et son équipe ont observé les cœlacanthes dans des cavernes de lave. Les nageoires paires, thoraciques et pelviennes, se meuvent alternativement, comme les membres des Tétrapodes. Ces mouvements sont comme ralentis, contrastant avec les battements plus vigoureux de la nageoire caudale.
• le mode d'utilisation de l'organe rostral : l'organe rostral est rempli d'un liquide gélatineux, il communique avec l'extérieur par six orifices. Cette structure est sensible aux champs électriques émis par des proies potentielles. Latimeria prend une posture verticale, tête en bas, qui faciliterait la réception des champs électriques émis par les proies.
Depuis
Laurent Ballesta, biologiste et plongeur, a ramené
en 2013 de nouvelles images exceptionnelles de cet animal marin.
Réalisation : Gil Kebaili – Production : Les Films d'Ici, Andromède Océanologie, Arte France, France Télévisions et CNRS Images
En 360 millions d'années, la morphologie du cœlacanthe n'a pas beaucoup changé

Holophagus cirinensis (Jurassique) exposé au Muséum de Toulouse. CC by-sa Farès Ibrahim, Muséum de Toulouse

Hadronector donbairdi est un cœlacanthe ayant vécu au Carbonifère (Montana, Etats-Unis).
Les espèces actuelles présentent de grandes ressemblances morphologiques avec les fossiles datant d'au moins 300 millions d'années. C'est ce qu'on a coutume d'appeler, selon une expression employée par Darwin, un «
fossile vivant ».
Aujourd'hui, cependant, beaucoup de biologistes rejettent ce terme car les créationnistes l'utilisent pour nier l'évolution. En effet,
si l'aspect morphologique des cœlacanthes n'a pas beaucoup changé, il n'en est rien de leur génome, comme en atteste en particulier un article récent. Les auteurs suggèrent que l'absence de prédateurs et un environnement très calme pourraient rendre compte de cet apparent « immobilisme ».
Place du cœlacanthe dans l'arbre du vivant
Le Cœlacanthe ressemble à un poisson et pourtant ce n'en est pas un ! Le Cœlacanthe est plus apparenté à la vache qu'au saumon. C'est ce qu'illustre la
classification phylogénétique qui se base sur les caractères dérivés, c'est-à-dire des
caractères plus récemment acquis, plutôt que sur les caractères ancestraux. Les premiers Vertébrés à l'allure de poisson se sont divisés au Paléozoïque en deux groupes distincts : les Chondrichtyens (squelette cartilagineux) et les Ostéichtyens (squelette osseux).

Dessin : classification phylogénétique des Cœlacanthes
Puis le groupe des Ostéichtyens s'est scindé en deux branches : les Sarcoptérygiens (à nageoires charnues), dont fait partie le Cœlacanthe, et les Actinoptérygiens (à nageoires rayonnées), tel le saumon.

Dessin : classification phylogénétique des Cœlacanthes
Le groupe des Cœlacanthes est le groupe-frère de l'ensemble formé par les Dipneustes et les Tétrapodes (Rhipidistiens).
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Bibliographie et webographie à consulter
à télécharger en PDF.

[exposition, Toulouse, Muséum d'Histoire Naturelle, 20 décembre 1993 - 9 mai 1994] / [élaboré sous la direction du Muséum d'Histoire Naturelle de Toulouse]. - Toulouse : Muséum d'Histoire Naturelle, [1994]. - 1 vol. (non paginé [24] p.) : ill. ; 21 cm.
Ce livre est disponible à la bibliothèque Cartailhac (étude) sous la côte 410.320 COE.
Article rédigé par Yves Lignereux, Dominique Morello, Maud Dahlem. Mis en ligne le 7 novembre 2013.