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Préhistoire

Nos ancêtres, les aurignaciens

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Nos ancêtres, les aurignaciens

Lame d'Aurignac 1861/62 (fouille Lartet), collection du Muséum de Toulouse cc by-sa 3.0 Didier Descouens 

Qui étaient les premiers habitants de l’Europe ? Quelles étaient leurs préoccupations et leurs modes d’expression ? Comment les connaissons-nous ? Voici quelques éléments de réponse.

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 « La définition de l’Aurignacien est au cœur d’une des questions majeures de la Préhistoire européenne, qui est celle de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. L’Aurignacien livre en effet des manifestations culturelles sur lesquelles la distinction entre ces deux grandes périodes est fondée. » 

François Bon, Préhistoire, la fabrique de l’homme, 2009


Il y a environ 40 000 ans, dans un climat froid et sec entrecoupé de quelques interstades plus cléments, l’Europe est le théâtre d’importants changements biologiques, techniques et culturels

Le remplacement progressif de l’Homme de Néandertal par l’Homme anatomiquement moderne (Homo sapiens) venu du continent africain, marque l’achèvement du Paléolithique moyen et inaugure la période du Paléolithique supérieur (38 000 – 10 000 avant le présent (BP)). 

Ces groupes humains appelés Aurignaciens, sont les auteurs d’une nouvelle culture qui se développe sur le vaste territoire occidental, entre 38 000 et 29 000 BP (Before présent).

Aurignac, site éponyme

Abri préhistorique d'Aurignac - Musée-forum de l'AurignacienC’est dans l’abri sous roche d’Aurignac (Haute-Garonne, 31) qu’ont été identifiées pour la première fois les traces de cette culture.

Découvert de façon fortuite lors de travaux en 1852, l’abri d’Aurignac est fouillé en 1860 par le célèbre paléontologue Édouard Lartet. Celui-ci met au jour un abondant matériel archéologique : des silex taillés, des pointes de sagaie en bois de renne, les restes d’un foyer et des ossements d’une faune aujourd’hui disparue (grand ours des cavernes, mammouth, hyène des cavernes, rhinocéros laineux...). Extraordinaire pour l’époque, il note que certains ossements ont été travaillés par la main de l’Homme. 

Portrait d'Edouard Lartet cc by-sa Muséum de ToulouseCette découverte majeure à un double retentissement scientifique. Elle permet à Édouard Lartet de prouver « l’ancienneté géologique de l’homme » et de contribuer au développement d’une nouvelle discipline naissante : la Préhistoire. 

Malgré le rôle majeur de cette trouvaille dans la construction de la jeune discipline préhistoire, Édouard Lartet ne parvient pas à imposer le modeste abri d’Aurignac comme site éponyme. Gabriel de Mortillet dans sa chronologie de la préhistoire de 1872 ne retient pas le site. Ce n’est qu’en 1913, au terme d’un long débat appelé « la controverse d’Aurignac », que les préhistoriens Henri Breuil, Emile Cartailhac et Aimé Rutot font admettre l’existence de cette culture aurignacienne, pour permettre de qualifier le facies culturel situé entre le moustérien (industrie de Néandertal) et le gravettien. 

Abri d'Aurignac copyright Musée-forum de l'Aurignacien et Portrait d'Edouard Lartet cc by-sa Muséum de Toulouse

Une culture européenne

Après la découverte de l’abri d’Aurignac, des vestiges similaires sont trouvés dans toute l’Europe et même au-delà, au Proche-Orient et en Asie centrale. Ils révèlent que des groupes humains ont partagé le même mode de vie, les mêmes techniques et propagé les mêmes expressions symboliques, avec parfois des adaptations régionales.

La répartition des sites archéologiques découverts à ce jour montre que ces groupes se sont principalement installés dans des zones de piémont et des vallées dans lesquelles les abris et grottes calcaires permettaient de trouver refuge. De nombreux sites ont été découverts tout le long de la chaîne des Pyrénées, en Dordogne, en Ardèche dont la fameuse Grotte Chauvet, dans le Jura Souabe, en Espagne, en Italie centrale, en Europe centrale et au Proche-Orient.

De nombreuses innovations techniques 

Lame aurignacienne retouchée (c) collection musée d'Aurignac Les Aurignaciens généralisent un nouveau mode de taille de la pierre, se distinguant ainsi des populations néandertaliennes qui les précédent en Europe. 

À partir d’un bloc de silex appelé nucléus, des éclats allongés et standardisés sont débités en série : les lames et les lamelles. Elles peuvent être utilisées telles quelles pour produire armes et outils (exemple : couteau) ou bien être retouchées (exemple : grattoir). Ce débitage laminaire permet une meilleure gestion des ressources minérales. Il est pratiqué jusqu’aux périodes récentes de la préhistoire. 

Les grandes lames épaisses ainsi que les pièces carénées (burins et grattoirs) sont les fossiles directeurs de cette industrie. De plus, une lamelle est spécifique à l'Aurignacien, c’est la « lamelle Dufour », retouchée finement et marginalement sur une ou deux faces.

Lame aurignacienne - Collection d’Aurignac © Drac Midi-Pyrénées – Jean-François Peiré


Les Aurignaciens signent une autre innovation : l’utilisation des matières dures animales pour confectionner des armes de chasse, et notamment des pointes de sagaies à base fendue. L’ivoire et le bois de renne ont aussi été utilisés pour la confection des premiers bâtons percés et d'un outillage plus classique : poinçons, baguettes, lissoirs.

 


Des pratiques sociales, culturelles et artistiques riches et complexes

Les Aurignaciens développent de nouveaux comportements, manifestation d’une relation inédite aux autres et à la nature. Leur compréhension du monde s’exprime au travers d'objets et de nouveaux codes relationnels (art, parure corporelle, musique). Si le discours qui les accompagne nous échappe, ces témoignages précieux témoignent de préoccupations esthétiques et d’une pensée symbolique complexe.

L’art des origines

Homme-lion, musée d’Ulm © Musée AurignacLes Aurignaciens sont les premiers groupes humains à avoir laissé autant de représentations figuratives et d’une telle qualité. Dire cependant qu’ils ont été les inventeurs de l’art reste encore très hypothétique. Mais c’est bien à la période aurignacienne qu’apparaissent partout en Europe des représentations animales et humaines sur les parois des grottes, des abris et sur les blocs rocheux. 

Parmi ces premières manifestations artistiques, citons la formidable statuette de l’Homme-lion découverte dans la grotte d'Hohlenstein-Stadel en 1939 (Sud-ouest de l’Allemagne), sculptée dans la défense en ivoire d’un jeune mammouth, et datée de 32 000 BP. 

Homme-lion, musée d’Ulm © Musée Aurignac

Dans le Jura Souabe également, une quinzaine de petites figurines en ivoire de mammouth ont été découvertes. Elles proviennent de quatre grottes situées dans les vallées secondaires du bassin du Danube : Vogelherd, Hohlenstein-Stadel, Geissenklösterle, et Hohle Fels. Les félins et les mammouths, habituellement plutôt rares dans l’art pariétal, dominent le bestiaire aux côtés des chevaux, bisons, ours, oiseaux et des êtres hybrides. 

La découverte de la grotte Chauvet en Ardèche en 1994 a suscité surprise et admiration. Datée d’environ 36 000 BP, ces peintures et gravures sont d’une exceptionnelle beauté, d’une grande richesse thématique et témoignent d’une véritable sophistication physique et plastique. Là encore, les animaux féroces dominent très largement le bestiaire représenté au côté des chevaux, bisons et aurochs. 

Grotte Chauvet – panneau des lions et des bisons © Equipe Chauvet

Grotte Chauvet – panneau des lions et des bisons © Equipe Chauvet

C’est également à la période aurignacienne qu’apparaissent les plus anciennes représentations humaines et notamment féminines, comme en témoigne la statuette de la Vénus de Hohle Fels, découverte en 2008 dans la grotte du même nom au sud-ouest de l’Allemagne. Quasi complète, elle est datée de 35 000 BP.

Autres éléments sculptés retrouvés fréquemment dans les abris du Périgord (Pataud, Cellier, La Ferrassie, etc.) à la période aurignacienne, ce sont les blocs calcaires gravés sur lesquels sont représentés des sexes féminins, figurés par des triangles vulvaires stylisés. Figurations symboliques plus que représentations anatomiques, les vulves gravées évoquent-elles la fertilité, l’origine du monde ?

La musique

Quelques sites du Paléolithique Supérieur ont livré des exemples d’instruments de musique. Des flûtes en os ont été découvertes dans la grotte d’Isturitz au Pays basque français, ainsi que dans les grottes du Jura Souabe. Datées d’environ 35 000 BP, les flûtes des sites allemands sont les plus anciens instruments connus à ce jour et suggèrent que la musique avait sans doute une place très importante dans la culture aurignacienne.

La parure

Les Aurignaciens ont fait de la parure un attribut individuel fort. Ils ornent leurs vêtements et accessoires, se parent de colliers, de bracelets, fabriqués à partir d’objets naturels ou transformés. 

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Article rédigé par Joëlle Arches, Attachée de conservation du patrimoine, Directrice du Musée-forum de l’Aurignacien. Mis en ligne le 26 janvier 2016. 

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Un musée dédié à l’Aurignacien et les témoignages de sa culture vous accueille toute l’année à Aurignac.

musée-forum d'Aurignac
Vue du musée d’Aurignac ©Daniel Moulinet, Basalt Architecture

Plus d’informations sur www.musee-aurignacien.com
Tel : 05 61 90 90 72