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Aménager les villes pour les adapter aux hausses de températures

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Aménager les villes pour les adapter aux hausses de températures
A l’heure où le monde entier vient de se mobiliser pour la COP21, où la réalité du réchauffement climatique s’impose, il est urgent de s’interroger sur l’aménagement des villes et la manière de faire face le plus efficacement possible aux hausses de températures.

L’îlot de chaleur urbain

Si l’influence du climat sur la conception des villes n’est plus à démontrer, en revanche, le fait que la ville puisse de manière symétrique influer sur son climat, au point de créer des microclimats urbains spécifiques, est une idée neuve qui peine à s’imposer. Ce phénomène induit par la transformation de la géométrie des surfaces et l’altération des échanges d’énergie et d’eau entre l’atmosphère et le sol artificialisé, se traduit à l’échelle de l’espace urbain par une modification du régime des vents, une hausse de l’humidité et de la pluviométrie, et surtout par une augmentation de la température en comparaison avec ce que l’on observe dans l’espace rural qui entoure la ville. Ce dernier élément, l’îlot de chaleur urbain (ICU), qui traduit l'élévation localisée des températures en centre-ville, est le phénomène de climatologie urbaine le mieux connu d’un point de vue scientifique et médiatique. De nombreuses études ont vérifié la corrélation entre la taille de la ville et l’intensité maximale de l’ICU qui atteint 7 à 8°C à Toulouse et à Strasbourg, 10°C à Paris, mais des intensités bien moindres - de l’ordre de 3°C - à Marseille en raison des influences maritimes et de la topographie de la ville.

Graphe présentant l’îlot de chaleur urbain en île de France
Îlot de chaleur urbain en Île de France (source : Valéry Masson)

 

Anticiper les canicules


Dans le champ urbanistique, l’ICU et l'inconfort thermique qu’il génère tendent à devenir de nouveaux facteurs de vulnérabilité des territoires urbains qu’il convient d’atténuer, d’autant que leurs conséquences sont amenées à s’amplifier dans une perspective de changement climatique et de multiplication des épisodes caniculaires. 
La hausse des températures liée au changement climatique sera probablement bénéfique en période hivernale en améliorant le confort climatique extérieur et en réduisant la demande énergétique de chauffage. En revanche, lors des épisodes caniculaires et combinée avec les effets de l’îlot de chaleur urbain, elle peut avoir des conséquences graves sur la santé et le confort thermique des habitants. Rappelons que la canicule de l’été 2003 a provoqué une surmortalité d’environ 15000 personnes en France. Dans cette perspective, le recours systématique à la climatisation des espaces intérieurs ne pourrait constituer une stratégie d’adaptation viable, dans la mesure où il augmente l’inconfort thermique des espaces extérieurs et qu’il entraîne une élévation de la consommation énergétique, aggravant ainsi le changement climatique. 


Une large palette de solutions : végétalisation, réintroduction de l’eau, ventilation, isolation,…

Ombrière des Jardins du Muséum, Toulouse 2008

Ombrière des Jardins du Muséum, Toulouse 2008 CC BY-SA Frédéric Ripoll, Muséum de Toulouse


L’aménagement urbain offre aux villes l’opportunité de mettre en œuvre une large palette de solutions pour lutter contre la hausse des températures. Citons tout d’abord, les stratégies de végétalisation et de réintroduction de l’eau en milieu urbain. En effet, grâce à l’évapotranspiration, les espaces de nature en ville tels que les bois, parcs et jardins publics, jardins partagés ou privés, squares, arbres d’alignement, toitures et façades végétalisées, mais aussi les lacs, bassins, fontaines, etc., tous ces éléments concourent au rafraîchissement de l’espace urbain, tout en rendant de nombreux autres services éco-systémiques d’approvisionnement, de régulation ou à caractère social. Un autre levier réside dans l’usage de techniques et de procédés constructifs permettant de diminuer l’impact de l’ensoleillement des espaces urbains extérieurs et intérieurs et de favoriser la ventilation. Ainsi, le choix de matériaux et de couleurs susceptibles d’augmenter l’albédo (pouvoir réfléchissant) des surfaces urbaines (façades, toitures, revêtements de l’espace public, etc.) permet de diminuer le stockage de chaleur par les matériaux. Le recours aux ombrages naturels et aux protections solaires favorise une limitation de l’apport d’énergie solaire dans l’espace public et à l’intérieur des bâtiments. L’isolation par l’extérieur du bâti rend aussi possible de conserver l’inertie à l’intérieur des murs qui pourront ainsi emmagasiner la fraîcheur apportée par la ventilation nocturne et limiter le recours à la climatisation. L’utilisation efficace des techniques de ventilation et une orientation judicieuse des bâtiments permettent de chasser l’air chaud et la pollution accumulée à la surface du sol. Enfin, il est possible de limiter la hausse de la température en réduisant les émissions de chaleur anthropique en ville. Dans un contexte de forte désindustrialisation des villes françaises, les principaux gisements de chaleur sont à rechercher du côté du trafic routier et de la régulation du confort d’été des bâtiments, lequel devient un enjeu majeur dans de nombreuses villes. Une approche pluridisciplinaire associant géographes, sociologues, physiciens de l’atmosphère, acousticiens et architectes est aujourd’hui à l’œuvre pour améliorer la qualité environnementale du cadre de vie urbain de manière durable.

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Texte adapté de : Haouès-Jouve Sinda, Hidalgo Julia, Diminuer la vulnérabilité des villes à la hausse des températures, Revue Urbanisme N°395, Hiver 2014

Mis en ligne le 14 décembre 2015 dans la rubrique PARLONS SCIENCES, site web du Muséum de Toulouse. 

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