
Au fil du fleuve
La ripisylve est une formation boisée qui occupe les berges de nos fleuves et rivières. Certaines des plantes les plus fréquentes comme les peupliers et les saules produisent des graines légères enveloppées dans un tissu cotonneux et hydrophobe qui leur permet de flotter. Emportées par le vent puis par le courant, les graines colonisent ainsi de nouveaux espaces.
Photos : (haut) Ripisylve dense en bord de Garonne à Toulouse. (gauche) Les fruits cotonneux du Peuplier noir, Populus nigra. CC by-sa Muséum de toulouse.
Les crues amplifient encore ce phénomène, elles arasent les berges et y déposent sédiments et débris organiques parmi lesquels de nombreuses graines.
Photo : Les crues, ici la Garonne au Quai de Tounis, apportent dans les débris charriés, graines et boutures de plantes. CC by-sa Muséum de Toulouse
L'Iris des marais (Iris pseudacorus) fréquent en bord de Garonne a développé une autre adaptation : ses fruits pendent au-dessus de l'eau et libèrent à maturité de jolies graines revêtues d'une cire imperméable. La graine va pourtant s'imbiber petit à petit d'eau et finir par couler, si l'endroit est propice, celle-ci germe et donne un nouveau plant. Cette perméabilité tardive permet à la graine de parcourir une certaine distance depuis l'endroit où elle est tombée.
Photo : graines légères de l'Iris des marais, à l'épiderme imperméable et lisse qui facilite sa navigation. CC by-sa Muséum de Toulouse.
La Châtaigne d'eau ou Macre (Trapa natans) est une plante aquatique qui pousse de manière sporadique dans les étangs aux vases riches. Ses fruits sont assez volumineux et munis de 4 solides pointes qui leur permettent de se fixer dans la végétation au gré de leur dérive. Si cela ne suffit pas, à l'extrémité de chaque pointe, de discrètes mais solides barbelures leur permettent de se fixer dans les plumes ou les poils des animaux amphibies. Son nom de Châtaigne d'eau vient du caractère comestible des fruits.
photo : fruits de la Châtaigne d'eau aux pointes saillantes. CC by-sa Muséum de Toulouse.
Dériver en eau salée
Les courants marins restent le moyen de dispersion le plus efficace sur grande distance. Sur nos côtes, le Lis de mer (Pancratium maritimum) est une magnifique plante des dunes dont les graines noires très légères contiennent un tissu aéré dont la texture rappelle le polystyrène. La graine ainsi équipée pour flotter sera emportée par le courant et le vent vers d'autres rivages.
Photos : (photo 1) lis de mer CC by-sa Nicolas_gent. (photo 2) Capsules ouvertes et graines. Collection du Muséum de Toulouse. CC by-sa Muséum de Toulouse.
Les Tropiques : Noix de coco et Cocofesse
La palme de la dispersion revient aux espèces tropicales. La Noix de coco (Cocos nucifera) est équipée d'une véritable bouée de sauvetage, un tissu épais et fibreux recouvert d'un épiderme épais et dur qui lui assure une flottabilité exceptionnelle sur plusieurs milliers de km. Ainsi le cocotier se retrouve sur tous les rivages tropicaux. Au contraire, le Coco de mer ou Cocofesse (Lodoicea seychellarum) possède un fruit tellement lourd que celui-ci ne flotte que quand il est desséché et donc stérile. C'est pourquoi on ne le trouve que sur une seule île de l'archipel des Seychelles.
La Noix de coco (ici à gauche) possède autour de la graine une épaisse « bouée » constituée d'un tissu fibreux et recouvert d'un épiderme épais et imperméable contrairement au Cocofesse dont la graine ne possède pas de tissu flottant suffisant pour le poids de la graine (jusqu'à 20kg !)CC by-sa Muséum de Toulouse.
Le Haricot wawa ou Pois cœur (Entada gigas) est aussi un champion des longues distances : cette liane tropicale produit de longs haricots atteignant 1m de longueur qui contiennent de grosses graines rondes et luisantes à l'épiderme extrêmement dur. Poussant en lisière de forêt souvent le long de cours d'eau, la graine est d'abord emportée par la rivière avant de finir dans l'Océan et de continuer son trajet. Une mince couche d'air à l'intérieur de la graine lui permet de flotter.
Ces graines sont quelquefois portées par le courant du Gulf Stream jusque sur les côtes anglaises. Leur forme de cœur et le mystère de leur origine les font employer comme porte-bonheur. Autrefois, les marins en faisaient de petites tabatières ou des boîtes à pilules.
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Article du 21 février 2013 rédigé par Boris Presseq (assistant des collections Botaniques-Muséum de Toulouse).
Sélection documentaire (articles, livres, liens) à retrouver à la bibliothèque Cartailhac du Muséum de Toulouse (entrée libre) : télécharger le PDF.