
Vous avez dit clonage. En quoi ça consiste ?
La technique de clonage utilisée pour obtenir Dolly consiste à enlever (« énucléer ») le noyau d’un ovocyte « receveur » et à le remplacer par le noyau d’une cellule adulte « donneuse ». Après quelques manipulations destinées à favoriser la reprogrammation du génome (voir légende du schéma), l’œuf est implanté dans une mère porteuse. La gestation est suivie de très près et la naissance attendue avec fébrilité.
Schéma du Clonage somatique par transfert nucléaire (auteur Dominique Morello)
Le noyau de l’ovocyte est remplacé par celui de la cellule donneuse (cellules de la glande mammaire ou autre). Différentes manipulations (fusion électrique ou substance chimique) sont effectuées pour synchroniser les cycles cellulaires de l’ovocyte et la cellule donneuse. Ainsi l’ADN du noyau transféré se trouve « reprogrammé », prêt à dérouler le programme génétique sous-tendant le développement embryonnaire, allant de la division de la première cellule œuf indifférenciée aux multiples cellules différenciées de l’embryon.
Dans le cas précis de Dolly, les ovocytes ont été prélevés sur la brebis adulte « Geniees » et la glande mammaire de la brebis adulte « Belinda » a fourni les cellules adultes « donneuses » de noyau. La mère porteuse n’est ni Geniees ni Belinda, mais une troisième comparse. Le nom de Dolly rend hommage à la chanteuse américaine Dolly Parson qui avait une poitrine… généreuse.
On parle de clone car le génome (l’ensemble des gènes portés par l’ADN contenu dans le noyau) de Dolly est identique à celui de Belinda , un individu déjà existant à partir duquel on peut obtenir des « Dolly bis » à volonté, même si les rendements sont le plus souvent faibles, au mieux quelques %. Cette technique de clonage s’est depuis généralisée à de nombreuses espèces domestiques et s’effectue maintenant le plus souvent avec d’autres cellules différenciées que celles de la glande mammaire, provenant d’organes variés, tels que la peau, le muscle ou le cerveau. Par exemple, c’est avec les cellules de peau d’une vache donneuse que l’INRA obtint en 1998, Marguerite, le premier veau cloné au monde. Marguerite et la centaine d’autres bovins nés depuis à la ferme expérimentale de l’INRA à Bressonvilliers ont permis de mieux comprendre les processus de reprogrammation et mieux connaitre les effets de l’environnement sur le développement et le vieillissement des organismes ; en effet quant on étudie un lot de clones, on peur raisonner « toutes choses égales par ailleurs » puisqu’on s’affranchit de la variabilité génétique d’un individu à l’autre.
Un clone est-il vraiment une copie conforme de l’original ?
En observant la photo ci-contre présentant, à gauche, la vache n°38 donneuse de cellules musculaires et ses 17 clones, par ordre d’âge décroissant de 4 ans à 3 mois, on se rend vite compte qu’ils sont morphologiquement différents (par exemple la taille et la répartition des tâches noires). C’est la preuve que les gènes ne font pas tout. L’environnement fœtal, post-natal, l’alimentation, etc. modifient le programme génétique sans affecter les gènes eux-mêmes. Un peu comme une partition qui serait jouée par différents chefs d’orchestre : la partition est la même, mais les nuances sont différentes. C’est ce qu’on appelle l’épigénétique (voir dans la rubrique « Parlons Science » nos articles « Quand nos gènes se mettent à table » et dans le journal du kiosque « 150 ans de génétique »). Nous avons tous observé diverses situations qui résultent de l’épigénétique : il est bien connu que les « vrais » jumeaux humains issus de la division fortuite d’un embryon au tout début de son développement et donc avec le même génome, sans pour autant être des clones, évoluent différemment au cours de leur vie. De même, les larves d’abeille, génétiquement identiques deviennent des reines ou des ouvrières selon qu’elles sont nourries à la gelée royale ou au pollen et miel.
Photo : Clones somatiques issus d’une vache donneuse. De gauche à droite : la vache n°38 (isolée) donneuse de cellules de peau puis ses 17 clones par ordre d’âge décroissant (de 4 ans à 3 mois ). Crédit © Inra, NICOLAS Bertrand
Une autre raison fait différer les clones : les cellules contiennent dans leur cytoplasme de petits organites, les mitochondries, les centrales énergétiques de la cellule. Elles sont dotées de leur propre ADN, l’ADN mitochondrial (ADNmt) qui influence le programme génétique contenu dans l’ADN nucléaire et qui contrôle la vie des cellules (schéma 2 : les mitochondries). Les enfants porteurs de maladies mitochondriales montrent bien le rôle fondamental de l’ADNmt qui peut porter des mutations et entrainer des maladies plus ou moins sévères (diabètes, myopathies…). Pour en revenir à nos clones, les clones de la vache 38 ont tous été obtenus à partir d’ovocytes différents qui avaient donc tous un réseau mitochondrial différent.
Image : les mitochondires (Schéma Dominique Morello)
Et pour quelques 50 000 à 100 000 dollars de plus …
Le clonage des animaux de compagnie est devenu une véritable entreprise lucrative. Chats et chiens sont clonés depuis plus d’une quinzaine d’années. La Sooam Biotech Research Foundation, basée en Corée du Sud, est devenue leader dans ce domaine. Elle se targue d’avoir cloné depuis 2006 plus de 800 chiots. Elle propose de congeler les cellules de votre compagnon à 4 pattes de son vivant et ainsi de procéder au clonage quand vous le souhaitez, avant ou après sa mort. Mais, plus fort encore, elle prétend aussi effectuer un clonage à partir d’animaux décédés, ce qui représente effectivement une « performance » technique car les chances d’obtenir des cellules viables diminuent très rapidement après la mort. C’est peut-être pourquoi la compagnie a nommé Chance le boxer cloné à partir des cellules de Dylan mort deux semaines auparavant et dont la presse a fait grand bruit le 26 décembre 2015. Fort de son succès, ce laboratoire qui n’est pas encore soumis à une règlementation sur le clonage, propose aux particuliers de cloner leur chien même décédé pour la modique somme de 100 000 $ !
De telles expériences contribuent à des améliorations techniques qui pourraient être mises à profit pour cloner des espèces en voie de disparition, voire disparues. Encore faudrait-il que la communauté scientifique en soit informée. Rappelons que le directeur de cette fondation - qui projette maintenant de cloner à très grande échelle chiens, chevaux, et jusqu'à un million de vaches par an, selon la presse chinoise - le docteur Woo Suk Hwang, a écopé de deux ans de prison pour avoir falsifié des résultats et affirmé avoir cloné un embryon … humain.
Ces agissements ne sont pas sans susciter de nombreuses controverses. Des questions multiples se posent sur la nécessité de « gâcher » tant d’animaux pour obtenir à un prix exorbitant, en profitant du vide juridique, un animal qui de toutes les façons sera différent de celui qu’on aimait tant. Helen Wallace, la directrice d’un organisme à but non lucratif spécialisé dans le bien être animal et la génétique, Genewatch, a récemment proposé une interdiction du clonage d’animaux domestiques.
On l’aura compris outre le très grand nombre d’animaux nécessaires à l’obtention d’un clone viable et les questions éthiques encore loin de faire consensus international, faire revivre son animal favori tel qu’il était avec son aboiement ou son miaulement si particulier, son pelage si doux est un rêve impossible. Mieux vaut faire appel à la société Cuddle Clones basée aux USA (http://piwee.net/1-societe-peluche-animal-compagnie-180215/) qui propose de reproduire à l’identique votre animal de compagnie … en peluche. Et pour une somme raisonnable, vous avez au moins la garantie de la copie conforme !
Photo : A droite, le chat original, à gauche, la peuche, créée par la société Cuddle Clones (Crédits : DR)
L’exemple de la couleur du pelage illustre bien comment le hasard intervient dans l’aspect (le phénotype) des chats. De nombreux gènes gouvernent la couleur du pelage. L’un d’entre eux se trouve sur le chromosome X sous forme de deux « variantes » (allèles), l’une codant la couleur noire, l’autre orange. Le pelage des mâles portant ce gène est toujours uniforme : soit tout noir soit tout orangé, selon l’allèle du seul X qu’ils possèdent, toujours hérité de leur mère (puisque les mâles sont XY). En revanche, les femelles (XX) qui ont hérité un allèle de chaque type (un de leur mère Xm, l’autre de leur père Xp) ne sont pas uniformément colorées mais bicolores, tachetées, avec des zones noires ou orangées. Selon les territoires, c’est soit l’allèle porté par le Xp soit celui porté par le Xm qui s’exprime, l’autre est inactif. Cette inactivation, aléatoire, d’un des X est un phénomène épigénétique qui a lieu au cours du développement embryonnaire. Votre chat calicot dont vous aimiez tant la couleur ne vous sera jamais rendu, quel que soit le boniment de la compagnie de clonage que vous solliciterez !
Article rédigé par Dominique Morello, chercheuse en biologie moléculaire au CNRS, ex-chargée de mission au Muséum de Toulouse
Mis en ligne le 24 novembre 2016
Sélection d'articles (papier et numérique) préparée par le service des bibliothèques
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Articles
Le clonage des animaux : le permis, l'interdit par Louis-Marie Houdebine dans Science... et pseudo-sciences, n°315 de janvier 2016
Le clonage est un mode artificiel de reproduction non sexué. Pour diverses raisons, il est apparu intéressant d’obtenir des clones d’animaux. Le clonage qui a donné naissance à la brebis Dolly avait pour but de faciliter l’obtention de protéines médicaments dans le lait de mammifères transgéniques. La technique la plus utilisée actuellement pour obtenir des mammifères transgéniques d’élevage consiste en effet à transférer les gènes d’intérêt dans des cellules d’organes qui, après transfert de leurs noyaux, donnent naissance à des clones transgéniques.
Dolly un clone devenu star par Fabienne Lemarchand dans La Recherche, n°441 de mai 2010. pp. 78-79
Fait partie d'un dossier de 31 articles intitulé "1970-2010 40 ans de science".
La naissance d'une brebis clonée, conçue sans cellules embryonnaires, déclenche un vif débat de société. Le clonage humain serait proche... La polémique autour de la manipulation du vivant fait passer au second plan une première scientifique, sacrée découverte de l'année par "Science".
Disparus pour... toujours ? Par Pierre Tessier dans Science et Vie. Découvertes, n°194 de février 2015. pp. 26-33
Dossier de 3 articles.
Et si le mammouth, le dodo ou bien le tigre à dents de sabre revenaient sur Terre ? Comme le prof Hervé To, des chercheurs tentent de ramener à la vie des animaux disparus !
Web
Clonage, les chiens à la chaîne de l’étrange M. Hwang : Exclu pour fraude en 2005 de la communauté scientifique, ce chercheur sud-coréen s’est reconverti dans un business très lucratif. Pour 100 000 dollars, il propose à de richissimes Chinois et Américains une copie conforme de leur défunt animal de compagnie.
Les clones différents de leurs originaux par l'apparence et le comportement : Les cochons clonés peuvent présenter le même degré de variabilité en terme d'apparence physique et de comportement que les animaux normalement engendrés, d'après une nouvelle recherche menée à la Faculté de Médecine Vétérinaire de l'Université de Caroline du Nord.
Le clonage animal à l'épreuve de l'éthique (vidéo) : Depuis la naissance de la brebis Dolly, le clonage animal est l’objet de débats éthiques. La question de l’utilisation ou non des animaux pour la recherche mais aussi pour de nouvelles applications économiques est l’un de ces débats. Poser cette question c’est attester de la place de l’éthique dans les relations entre les sciences et la société. Mais cette démarche ne peut s’affranchir d’un questionnement plus fondamental sur une éthique de la connaissance. Peut-on tout connaître ? Doit-on chercher à comprendre à tout prix ? Comment exploiter les connaissances émergeant d’un nouveau front de sciences ?
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