
L'imagerie médicale au service de la recherche
=> La sépulture de Téviec
Au Muséum de Toulouse, les deux squelettes humains de la sépulture de Téviec, exposés depuis 1936 dans les réserves, étaient entourés de questions non résolues sur leur sexe, âge, leur vie, les circonstances de leur mort... En 2010, le Muséum, le paléontologue José Braga et deux médecins légistes ont lancé une investigation autour de cette sépulture en utilisant des techniques de recherches innovantes comme l'imagerie numérique médicale en 3D.
Ces scans associés à d'autres outils de diagnostics ont permis d'identifier que ces deux êtres humains étaient non pas un couple comme présumé mais deux femmes et qu'elles avaient été tuées de façon violente.
Première photo : sépulture de Téviec, collection Muséum de Toulouse cc by-sa Rama, wikimedia, Seconde et troisième photo : Préparation de la tomographie médicale. Cette technique, restitue le volume complet de l'ensemble du squelette. Elle permet de visualiser, de manière non invasive, les éléments inacessibles : intérieur du crâne, dents, structures internes des ossements... copyright Ima Solutions.
L'acquisition numérique de la sépulture complète a également permis une action de restauration menée en concertation avec la Direction Régionale des Affaires Culturelles, ainsi qu'une duplication des squelettes comme support de médiation dans l'exposition itinérante "Préhistoire, l'enquête".
Restauration, conservation et préservation
=> Le masque de deuil, Apouméa
En 2014, de retour de sa tournée sur des expositions (« Préhistoire, l'enquête » au Muséum de Toulouse, “Kanak, l'Art est une parole” à Paris et à Nouméa), le masque de deuil a été analysé sous un scanner 3D (Voir le reportage photos du billet Quand le masque Kanak passe au scanner 3D...).
La numérisation nous a permis de manipuler l'objet à distance, le démonter, l'examiner et l'analyser sans contact ni intrusion physique. Il est alors possible d'étudier le système complexe de montage du masque et de comparer cette technique d'imagerie à d'autres techniques observées sur d'autres masques.
Image par Vizua3D
Passage du masque Kanak au scanner 3D de la clinique Pasteur de Toulouse cc by-sa Maud Dahlem, Muséum de Toulouse
=> La numérisation 3D de Nostre Dame de Grasse

Reconstitution de la polychromie originale. © Ville de Toulouse, musée des Augustins. Réalisation : realFusio
La statue gothique Nostre Dame de Grasse est une sculpture emblématique du musée des Augustins et de la ville de Toulouse. L’œuvre avait été plusieurs fois repeinte depuis le XVIe siècle. Ces différents repeints lui avaient donné un aspect chaotique. Puis, au début du XXe siècle, l’ensemble avait été recouvert sans grand soin d’un badigeon couleur pierre destiné à en uniformiser l’aspect. L'oeuvre présentant des signes de dégradation évolutive, une commission de réflexion a été réunie, composée d’historiens, d’universitaires, de conservateurs et de restaurateurs : la décision a été prise de la restaurer selon un protocole défini.
Après et avant restauration de Nostre Dame de Grasse. © Ville de Toulouse, musée des Augustins. Réalisation : realFusio
La restauration de cette oeuvre a représenté un travail considérable, toutes les interventions ayant été réalisées au scalpel, sous une loupe binoculaire. Les analyses des différentes couches ont permis d'établir un tableau stratigraphique. Parallèlement, 36 prélèvement de polychromies ont été analysés au C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France). Ainsi, quatre repeints ont pu être identifiés.
Reconstitution des quatre repeints. © Ville de Toulouse, musée des Augustins. Réalisation : realFusio
Suite à sa restauration spectaculaire, l'oeuvre a été numérisée en 3D et photographiée sous toutes ses faces. Un travail de mapping sur le fichier 3D, basé sur le tableau stratigraphique, les analyses en laboratoire et les prises de vue, a permis de restituer la polychromie originelle ainsi que les quatre repeints successifs subis par l'oeuvre. Ce travail entre restaurateurs, conservateurs et spécialistes de la 3D a eu aussi pour objectif de donner à voir au public les évolutions de l'oeuvre à travers les siècles, notamment grâce à un film utilisant ces fichiers numériques.
L'imagerie 3D pour le développement et la diffusion des connaissances
Les données numériques sont des outils puissants de diffusion ; elles sont accessibles dans le monde entier et favorisent ainsi le partage des savoirs et l'égalité des chances.
=> Le Lion des Cavernes disparu il y a environ 18 500 ans
Dans le cadre de l'exposition temporaire Les Savanturiers, le Muséum a fait réalisé le scanner 3D de l'hémi-squelette du lion des cavernes. Il s'agissait ensuite de compléter les données 3D afin de reconstituer les parties manquantes et d'offrir ainsi au visiteur l'observation d'un squelette entier. Pour aller plus loin, la numérisation a aussi permis de reconstituer l'animal en chair en le rendant presque vivant. Grrr...
Le lion des cavernes, Panthera leo spelaea, est apparu pendant les périodes glaciaires il y a environ 300 000 ans, il fut le plus gros prédateur de cette époque. Il vivait en Sibérie, en Alaska mais aussi en Europe et en Asie. Il disparaît il y a environ 18 500 ans après avoir cotoyé nos ancêtres préhistoriques.
Reconstitution virtuelle du Lion des Cavernes à partir du scanner 3D du squelette (Lion des cavernes, Panthera leo spelaea, Grotte du Coupe-Gorge, Montmaurin, Haute-Garonne. Collection Louis Méroc MHNT.PAL.2010.0.1). Crédit : Benjamin Moreno, Ima solutions.
Animation 3D du lion des cavernes : de l'os à la chair en passant par les muscles. Une mise en vie de l'animal dans un vaisseau rétro-futuriste. Exposition temporaire Les Savanturiers [oct15-juin16] copyright Christian Nitard.
=> La mystérieuse Jenny Haniver
La Jenny Haniver est à découvrir dans la crypte de l'exposition Les Savanturiers, cachée dans un coffre-fort que le visiteur curieux peut ouvrir. Cet objet, à la fois mystérieux, terrifiant et fragile, intrigue tout ceux qui la regarde. Mais voilà, il est tout petit et fragile. Difficile à observer sous tous ses angles et bien trop fragile pour être manipulé, il s'est avéré intéressant de le numériser. Pour ce tout petit objet (environ 5cm), il a été nécessaire d'utiliser un équipement de pointe (un microtomographe rayons X) permettant l'obtention d'images de très grande résolution spatiale de l'ordre de 0,032 mm (soit 32 micros). Il est ainsi possible de distinguer l'ensemble des cartilages ou encore les plus fines structures qui composent la jenny.
Photo : impression 3D (sans coloration) de la Jenny Haniver - réalisation Ima Solutions
Jenny Haniver by museumdetoulouse on Sketchfab
Près du coffre, une borne multimédia permet au visiteur de manipuler l'objet dans tous les sens.
Borne multimédia sur la découverte de la Jenny Haniver (jeux d'identification, détails sur son historique et sa fabrication...) - Exposition temporaire Les Savanturiers au Muséum de Toulouse [oct15-juin16]. Réalisation Médiatools.
=> Le crâne du rhinocéros court sur patte
Découvert en 1987, propriété de la Ville de Toulouse, le site de Montréal-du-Gers est un des gisements paléontologiques majeurs d'Europe et le plus important découvert en France depuis un siècle. Le site de fouille est géré par le Muséum de Toulouse, les objets trouvés (plus de 20 000 ossements et plus de 90 espèces) rejoignent les collections paléontologiques du Muséum.
A l'occasion de l'exposition Les Savanturiers, le squelette du rhinocéros Prosantorhinus douvillei, vivant à Montréal-du-Gers, il y a 17 Ma, est présenté pour la première fois. Ce rhinocéros court sur patte, trapu, sans corne, à l'allure d'un hippopotame, avec une queue longue s'est fossilisé dans un ancien marécage...
Image : reconstitution 3D du crâne fossile aplati de Prosantorhinus douvillei à gauche, et reconstitution 3D non aplati à droite. Crédit : Benjamin Moreno, Ima solutions.
Mais voilà, le crâne retrouvé de ce rhinocéros est en réalité tout écrasé. Un scan 3D puis une rétro déformation virtuelle de ce fossile a permis de créer une impression 3D réaliste prête au montage.
Premier montage du squelette de Prosantorhinus douvillei, exposition temporaire LES SAVANTURIERS [octobre 2015-juin 2016] au Muséum de Toulouse. CopyrightJacques Sierpinski
=>Hercule, touchez-moi
Parmi les travaux d'Hercule représentés au musée Saint-Raymond sous la forme de reliefs imposants, si plusieurs sont fragmentaires, celui où le héros combat le géant Géryon est une sculpture en marbre des Pyrénées presque complète et de facture magnifique.
Cette œuvre, déjà proposée dans le support de visite en audiodescription associée à un parcours tactile réservé aux mal et non-voyants, est aujourd'hui rendu encore plus accessible par cette complémentarité d'approche. La numérisation d'Hercule combattant le géant Géryon a permis la réalisation d'un tirage 3D en résine. Mais le grain ne permettait pas le rendu du poli du marbre qui, si cela ne gênait pas visuellement, présentait un inconvénient important pour le toucher, en particulier à destination des déficients visuels. Un travail minutieux a alors été entrepris à l'Atelier de restauration des musées de Toulouse pour un parfait rendu du tirage qu'il a réalisé en poudre de marbre et résine. L'installation fait partie de la muséographie permanente, au premier étage du musée.
Restauration Travaux d'Hercule "le héros combat le géant Géryon" par Stéphane Vernette et scanner de surface par Ima Solutions copyright Ima solutions
=> Quand une monnaie en 3D autorise la reconnaissance d'un portrait officiel sculpté
Au premier étage du musée des Antiques, la vitrine des monnaies représente un espace fondamental pour la compréhension de l'effigie antique. Cependant, en raison du format et de l'aridité de ce type d'œuvre, cette présentation n'était que très peu observée par le grand public. Celui-ci se tournait automatiquement, dès son entrée dans la salle, vers la galerie des portraits en marbre, plus spectaculaire.
Nous souhaitions ainsi mettre en correspondance numismatique et sculptures en ronde-bosse au moyen d'une application, intégrée à cette vitrine, qui introduisait l'espace consacré à la villa de Chiragan.
Chacune des monnaies, en 2D comme en 3D, propose, au droit comme au revers, plusieurs points d'intérêts consultables, ou non, par l'utilisateur. Au pinch (mouvement d’écartement des doigts), l’utilisateur peut zoomer le visuel de la pièce.
Trois bustes en marbre ont été modélisés. Les portraits en 3D peuvent être manipulés et sont associés à des commentaires sous forme de pop-ups. La réalisation en 3D permet également de fusionner portraits en marbre et portraits monétaires représentés sur les droits. Ainsi l'utilisateur peut-il comprendre l'étroite association entre les deux types de représentation. La fusion, dans un même programme interactif, des monnaies et de la sculpture démontre comment une monnaie autorise la reconnaissance d'un portrait officiel sculpté. Ainsi, un clic sur le bouton d’action « comparaison », entraîne un mouvement de rapprochement afin que le buste vienne se superposer au profil présent sur la pièce. Nous en avons profité pour restituer virtuellement son nez, brisé, à Auguste afin de rendre plus explicite ces rapprochements.
Maillage d'Auguste, copyright Ima Solutions.
Copie écran application Monnaie et bustes, exemple avec le buste d'Auguste, copyright Tataragne Studio.
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En savoir plus :
Sur la sépulture de Téviec :
- Livre : Bon F., Dubois S., Labails M.-D., dir. (2010) – Le muséum de Toulouse et l’invention de la Préhistoire, Toulouse, Éditions du muséum de Toulouse, 228 p.ISBN 978-2-906702-18-9.
- Wikipedia : page Téviec
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Article rédigé à plusieurs mains :
* Lydia Mouysset (Responsable du Service des publics) et Pascal Capus (chargé des collections de sculptures romaines et numismatiques ) du Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse.
* Caroline Latour (Responsable Informatique/Web/Multimédia) au Musée des Augustins, Toulouse.
* Maud Dahlem (Chef de projets numériques) au Muséum de Toulouse.
Dernière mise à jour le 3 décembre 2015 (sera mis à jour avec les prochaines données)
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